Art-thérapie ou médiations artistiques ?




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L’art-thérapie n’a de cesse de questionner les marques de son intervention.
 

Si son existence n’est pas nouvelle, elle mérite d’être à ce jour éclairée par les recherches actuelles et la clinique afin de l’ouvrir à une réalité sociale, institutionnelle, pour qu’elle ne soit plus confondue avec d’autres domaines qui œuvrent comme elle dans le champ du soin. On observe qu’une confusion est souvent maintenue entre atelier de création, appelé aussi médiation artistique, et l’art-thérapie tant ces domaines s’appliquent à risquer l’art comme pari thérapeutique.

 

La frontière semble alors fragile si nous ne prenons pas le temps de nous attarder sur la pratique effective de ces différents métiers.

Le titre même de l’art-thérapie ouvre à cette facilité de rendre l’art thérapeutique sans prendre soin de s’ouvrir au trait d’union ainsi qu’à une réalité clinique qui vient au-delà des effets escomptés.

 

Finalement l’art s’ouvrirait comme fauteur de troubles pour l’imaginaire persistant à assigner au mot « art » un bienfait thérapeutique. Mais est-il le seul au cœur de cette confusion ?

 

Mon cheminement personnel et artistique m’a conduite à me former à l’art-thérapie et c’est cette formation qui m’a permis de saisir que l’art- thérapie ne donnait pas lieu à une pratique artistique ou à un prolongement d’une démarche artistique.

 

Si la distinction entre ces deux métiers nous a été posée dès mon entrée à Profac, j’ai pu ressentir une certaine confusion lors de mes stages effectués en institution en tant qu’apprentie art-thérapeute.

 

Ce passage liant clinique et théorie me permet de proposer une réflexion sur deux métiers afin d’en tisser les contours respectifs pour tenter de distinguer deux identités professionnelles : celle de l’art-thérapeute et celle de l’animateur ou médiateur, afin qu’elles puissent coexister au sein d’une même institution sans se court-circuiter. Cette ébauche permettra, je le souhaite, aux professionnels ou non, de se faire une représentation plus édifiante de ces deux pratiques.

 

Je suis partie d’un constat général assimilant bien souvent art-thérapie et médiations artistiques sans pour autant toujours parler symboliquement d’art- thérapie.

 

L’art-thérapie offre encore cette image de l’art accordé à une dimension thérapeutique : l’art donnant lieu à des bénéfices visibles.

Ce qui est bien souvent proposé, sous l’appellation d’art-thérapie, s’apparente davantage à des ateliers de création intégrés en termes d’activité au sein de l’institution.

 

La manière dont ces ateliers sont organisés dépend beaucoup des professionnels qui en ont la charge : du personnel soignant (infirmier, éducateur…) au personnel extérieur (animateur, artiste…).

 

Les professionnels exerçant deux métiers au cœur de l’institution sont assez souvent nommés cliniciens animateurs1, tandis que les intervenants extérieurs sont référencés selon leur profession extérieure à l’institution (artiste-animateur, animateur, etc.).

 

Ainsi, si je m’appuie sur l’animatrice en maison de retraite, j’observe, lors de mon stage, que cette professionnelle exerce à temps plein et partage son temps entre les résidents de l’unité protégée souffrant de troubles de la mémoire et ceux qui sont considérés comme plus autonomes. Elle leur propose des activités dites « d’animation et de convivialité ».

 

Chaque matin, elle présente aux résidents de l’unité protégée des activités telles que la pâtisserie, le dessin, un temps d’écoute de musique. La suite des activités est prise en charge l’après-midi par les aides-soignantes. Par exemple, le prolongement de l’activité pâtisserie peut consister à faire cuire la pâte à crêpe confectionnée le matin en vue du goûter des résidents.

 

Pour les autres résidents, ce sont les après-midis qui sont rythmés par des activités quotidiennes et régulières telles que jeux de société, lecture, chant, sorties, activités physiques et travaux manuels. La plupart de ces activités ne donnent pas lieu à des productions. Pourtant, tel peut être le cas lorsqu’un événement est organisé, comme la confection d’objets pour la décoration de l’établissement ou des tables de la salle à manger lors de fêtes particulières.

 

En revanche, dans les différentes antennes de la structure hospitalière où j’ai été accueillie, les infirmières et l’éducatrice ont mis en place des ateliers de création avec l’accord de l’institution et ce, en plus de leur fonction. Elles ont défini le statut de ce lieu dévolu à la création selon leurs propres termes : « atelier création » ou « atelier d’arts plastiques ». Il est ici question de pratiquer du dessin, de la peinture, du modelage à travers différentes techniques, mediums et supports : acrylique, aquarelle, pastel, feutres, crayons de couleur, encres, peintures en bombe et collages.

 

Le pas est vite franchi d’associer (souvent verbalement) ces activités à de l’art-thérapie prenant le raccourci selon lequel c’est l’art qui ferait thérapie.

 

Au fil des semaines et en fonction du groupe accueilli, des thèmes sont proposés, parfois deux au choix. Les patients sont soutenus et aidés tout au long du processus de création jusqu’à la réalisation d’une œuvre collective ou en binôme.

 

Il semblerait que l’un des enjeux situant la différence entre atelier et art-thérapie se traduise d’un côté en termes de production et de l’autre de bricolage.

 

Dans un atelier de création il s’agit de produire quelque chose comme un point d’appui ; ce qui laisse entendre que l’objet concret se pose comme cadre de tensions ouvrant à des échanges. Un résultat palpable, visible, est attendu comme justification de ce qui est attendu. C’est bien la production d’une œuvre que vise l’atelier de création et c’est par elle qu’il s’accomplit.

 

En art-thérapie, la production n’est pas l’objectif car la séance ne s’ouvre pas à la création d’un objet fini donnant lieu à une mise en avant des ressentis, des projections, interprétations ou recherche de signification. Pour aller plus loin et permettre d’introduire ici le concept d’éphémérité avancé par Jean-Pierre Royol, l’art-thérapie s’ouvre à la dimension éphémère de ce qui s’esquisse en séance.

Il ne va pas sans dire qu’associer objet et éphémère n’est pas sans provoquer quelques remous allant du malaise à l’agacement en passant par l’étonnement.

 

Si rien ne sort de l’atelier, alors que faisons-nous ?

 

Car c’est aussi à travers cette question de l’objet, de la relation à l’objet en tant que production que l’art-thérapie et les ateliers de création ne peuvent se confondre. L’une s’ouvre à la relation et au mouvement psychique, reléguant l’objet à l’ombre des souvenirs et favorisant l’objet psychique, tandis que l’autre pose l’objet produit au cœur de son fonctionnement.

 

Tout au long du parcours que je vous propose, il s’agit de saisir que la production d’objets dans les ateliers de création et la dimension éphémère en art-thérapie posent ces deux disciplines comme résolument différentes.

 

Extrait Art-thérapie et médiations artistiques. Béatrice Géneau 

 

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