Ludothérapie




 « Mélaniiiiiiiiiiiiie !» Oui, vous l’entendez, c’est E. qui crie à travers le pavillon d’internat depuis la salle de bain où je viens de lui faire couler un bain quelques minutes plus tôt : Un bain aux invitations joueuses « bulles de mousses et Barbies » qu’elle apprécie beaucoup.

Un cri qui me fait presser le pas et me rendre dans la salle de bain. A mon arrivée « Vite ma barbie est en train de se noyer ! » Ni une ni deux, j’accoure vers le lieu du drame, saisie une autre barbie qui se prélassait sur le bord de la baignoire, la plonge dans l’eau pour ressortir la première barbie que E. tient dans sa main.

Quel soulagement ! Je m’informe de l’état de santé de la barbie qu’elle tient toujours dans sa main et lui demande ce qu’il s’est passé. Barbie répond à travers la bouche de E. qu’elle ne sait pas nager.

C’est bien embêtant cela et dangereux, nous lui construisons une bouée avec le porte savon et un élastique, ce sera plus prudent. La seconde barbie qui sait très bien nager a finalement une formation de maitre-nageur sauveteur ! Ça tombe très bien, elle va pouvoir la surveiller.

Maintenant que tout le monde est en sécurité, je laisse E. continuer à jouer seule.

Je ferme la porte et prends quelques minutes pour reprendre le fil de ce qu’il vient de se passer car cela vient fortement faire écho aux événements qui ont amené au placement judiciaire de E., sa mère ayant tenté de la noyer. Ayant été prise dans l’action, je ne le réalise qu’à ce moment.

Ce jeu auquel je me suis prêté était un temps ludique, une expérience dont chacune en a conservé des traces, celles de E. lui appartenant, les miennes étant une matière de travail. Un jeu qui est venu se glisser dans la relation, comme de multiples fois, mais est venu faire résonance d’une nouvelle façon pour moi. 

Alors éducatrice spécialisée, je travaillais par la suite avec la psychologue de l’établissement pour ne pas rester collée à mes ressentis, continuer à glisser du jeu comme écart entre E. et moi afin de me prêter sérieusement [1] à ces temps amusants. Un jeu sans vainqueur ni perdant, où les règles se tissent dans un instant de partage.

Cette expérience est venue mettre en avant l’importance du jeu comme élément pouvant devenir un médium dans la relation. Un jeu qui est alors à réfléchir dans une pratique professionnelle où « le jeu d’enfant » n’a finalement rien d’une facilité évidente et mérite de s’y pencher mettant à jour toute sa complexité et sa richesse.

Un ensemble qui ouvre à situer la ludothérapie comme méthode favorisant l’expression par le jeu en prenant soin d’un cadre éthique nécessitant une formation pour entrer dans le jeu :  créer des espaces amovibles et contenants là où le ludothérapeute prendra soin de mettre du jeu dans ce qui se passe sans jouer à la place de l’autre. 

Le ludothérapeute est garant du cadre et des jeux utilisés afin de soutenir chacun dans cette démarche. Il peut donc intervenir dans tous les lieux qui souhaitent assouplir par le jeu des épreuves rencontrées. 

C’est dans ce sens là que notre formation à Profac est organisée afin de soutenir chaque professionnel souhaitant introduire la dimension du jeu là où une relation le nécessite.
 
 « Le jeu devrait être considéré comme l’activité la plus sérieuse de l’enfant. » Montaigne.
 
[1] En référence à Freud pour qui « Le contraire du jeu n’est pas le sérieux mais la réalité ».


Mélanie AUTEXIER



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