Etre désinvolte




Etre désinvolte
Il arrive que nous estimions manquer de pratique pour élaborer sur le thème de l’art-thérapie contemporaine. Cependant, si nous considérons que le cœur de ce métier bat dans la rencontre, il est possible de se saisir de toutes pour élaborer à son sujet.
Le mot « séduction », pourtant bien commun, tel un projectile a heurté mon oreille quand je l’ai entendu et après prononcé, ou l’inverse. Dans cet entre-deux s’est formée cette marque :
L’être séduisant est dans l’abandon, celui qui laisse la place à cet autre qui ne sait pas encore être pour des êtres toujours en deux venir. 
J’ai voulu parcourir, un peu, son tour.
Séduire du Littré
Du latin seducere, tirer à l’écart, tirer à soi
« Faire tomber dans l’erreur ; détourner du chemin de la vérité.
Faire manquer à un devoir, à ce qu’on doit.

Plaire, toucher, persuader.

SYNONYME
SÉDUIRE, SUBORNER. Séduire, c’est mener hors du chemin de la vérité, du devoir, d’une façon quelconque, par la parole, par les écrits, par les exemples. Suborner, c’est acheter, au moyen d’un prix quelconque, des services qui ne devraient pas être rendus. ».

La position de « sujet supposé savoir » de l’art-thérapeute qui adosse sa pratique aux concepts de la psychanalyse est difficilement tenable. 

Pour se laisser séduire par elle, se laisser « tirer à l’écart », se tenir suffisamment à l’écart de tout savoir l’art-thérapeute contemporain ne doit-il pas être, et non pas faire, preuve d’une possible désinvolture, désinvolture comme seul chemin possible pour la personne accompagnée d’aller vers le mieux possible d’elle-même en bricolant sa solution ?

En effet le signifiant désinvolte, perçu comme péjoratif, nous vient de l’italien disinvolto, du préfixe négatif dis, et involto, enveloppé, embarrassé qui lui vient du latin volumen, repli de volvere, rouler. Volumer signifiait écrire, composer.
Composer c’est aussi   faire avec les contingences qu’elles soient historiques ou actuelles. Séduire : « Rouler dans la farine ? »

Puisque séduire c’est aussi « suborner, acheter, au moyen d’un prix quelconque, des services qui ne devraient pas être rendus. » ce prix n’est-il pas l’œuvre et, pour ce qui est d’acheter, sa quête n’est-elle pas la place de vendeur ou d’acheteur qui alterne dans les mouvements transférentiels. L’art-thérapie contemporaine veille à ce que presque rien ne soit le support de services qui ne devraient pas être rendus. 

Un achat peut se faire en monnaie sonnante et trébuchante. Trébucher des pièces de monnaie consiste à les mettre sur une balance automatique (à l’origine un trébuchet) qui va les trier en fonction d’un seuil de tolérance, d’une norme.  
Tolérer vient aussi de tulâ, qui signifie balance.

Les mots ont de séduisant leurs capacités à faire trébucher en nous tirant à l’écart du fantasme d’un être ou de la quête d’un être « droit dans ses bottes », d’équerre, plein, entier, comblé. Cet écart créait un espace, un entre-deux. Tel l’étale, bref instant pendant lequel l’eau de l’océan se fige, cet écart offre une échappatoire, une brèche dans laquelle peut se découvrir voire s’exprimer une part de chacun qui invite à une tolérance hors norme à accueillir, à apprivoiser, sans tolérance possible car unique. Les marées ont été, sont et seront. La relation construite permet à chacune des parties de se laisser tomber de son piédestal pour mieux vivre les suivantes, qu’elles soient petites, grandes ou furieuses.

Le talent, soit-il artistique, en s’échappant de toute subordination, retrouve sa place de poids. Il reste insondable dans ce qu’il peut être la conséquence et/ou la cause d’une souffrance, origine de la demande d’accompagnement et le puissant fond du désir d’y répondre. Il est sans référence. La solution elle-même, dans ce que nous sommes des corps parlant se trouve dans son sens originel : la décomposition d’un corps. C’est un passage peut-être nécessaire pour alors recomposer son histoire au travers d’un discours qui peut échapper aux faits, à toute cohérence temporelle ou spatiale, à tout rapporteur, règle, ou compas comme autant d’outils pour mesurer afin de faire des normes conscience.

À cet effet le processus créatif invite, encourage à voyager psychiquement, parfois corporellement, au plus proche de ce j’appellerais l’essence même du logos, ses infinies effluves qui sont poétiques. C’est dans celles-ci que la logique du logos retrouve sa place de vérité dans tout ce qu’elle peut avoir de singulière et d’explosive, hors de la logique si rassurante dans son sens commun, et avoir des effets sur le corps.

Parler à quelqu’un, voire l’écouter, n’est-il pas, et toujours, quelque part, chercher à le séduire, à le perdre ou à s’y perdre ? 

Qui peut souhaiter être «  toléré » ? 

Travaillons à être désinvolte ?

Eric Leclere
Art-thérapeute certifié RNCP 
Laon (02)  / Tel : 06 38 82 34 10
Site www.terreenlair.com

 

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